Illusion

Obama n’y aura rien changé. La question raciale continue de diviser profondément les Etats Unis, particulièrement dans ce sud qui a plébiscité Donald Trump. De l’Alabama à la Floride, l’écrivain James Baldwin avait arpenté la région sans répit en pleine lutte pour les droits civiques.

Ses essais se lisent comme des textes d’une actualité étonnamment familière. Baldwin, c’est un peu le critique de notre époque avec la parole des anciens. Celui qui nous rappelle que l’Amérique noire est toujours exposée au spectre du passé. Lui qui nous fait ressentir au plus près que la société américaine reste structurée par la question raciale et que depuis la conquête des droits civiques, la rupture entre Noirs et Blancs s’est accentuée. La banalité des crimes policiers comme l’expression déchaînée du racisme pendant la dernière campagne électorale en sont la cruelle démonstration.

« L’histoire n’est pas le passé, c’est le présent », aimait-il à répéter. Observateur exigeant, voire intransigeant, d’une sensibilité à fleur de peau, Baldwin était terrifié par ce sud qu’il connaissait mal, lui ce natif de New-York, homosexuel affirmé et pionnier de la cause gay. Il n’a pourtant pas hésité à porter la plume dans la plaie. « On ne peut pas changer tout ce qu’on affronte. Mais rien ne peut changer tant que l’on ne l’affronte pas. » Pour comprendre ce retour, il a fallu suivre les traces de James Baldwin, revenir dans ce Sud des Etats-Unis, parcourir les villes qu’il a sillonnées et fini par hanter. Birmingham, Montgomery, Selma, Tallahassee et Atlanta, toutes ces cités chargées de luttes et de conflits.

Nicolas Bourcier, Le Monde